A Brives-Charensac, la Compagnie Jaïs danse avec les tout-petits et les professionnels

La crèche "La Petite Maison Bleue" de Brives-Charensac a accueilli en résidence artistique et culturelle une petite compagnie de danse pendant près d’un an. Une expérience riche et forte pour toute l’équipe comme pour les danseuses, et source d’épanouissement pour les tout-petits. 
L’année dernière, le multi-accueil de Brive-Charensac, géré par la communauté d’agglomération du Puy-en-Velay en Haute-Loire, a engagé toute son équipe dans une aventure hors du commun. Les deux danseuses de la compagnie Jaïs sont venues partager leur quotidien, pour entraîner adultes et tout-petits à la découverte des vertus de la danse et du mouvement. 

Pas à Pas invite des artistes dans les lieux d’accueil 
L’initiative revient à la Drac Auvergne-Rhône-Alpes qui, en 2022, a lancé l’ambitieux projet Pas à Pas : inviter des artistes en résidence au sein de lieux d’accueil du tout-petit pour apporter dans leur quotidien une approche culturelle multiple et variée, de la danse au cirque en passant par les arts plastiques, la musique ou la voix. Après une longue période de Covid, la Drac avait à cœur de soutenir l’accès à culture dans les lieux d’accueil de la petite enfance et disposait du budget nécessaire à y consacrer. Ce sont donc 12 résidences d’artistes qui ont été menées dans des territoires ruraux et quartiers politiques de la ville, en partenariat avec la Dreets, les Caf et les Conseils départementaux. 

Un projet où tout reste à construire  
Pour y participer, l’équipe de la crèche La Petite Maison Bleue de Brives-Charensac a répondu à un appel à projet où tout restait à construire. Une seule exigence : il fallait simplement que la crèche soit adossée à un centre social pour que les artistes puissent être dans une démarche de résidence et de création. Vanessa Pouly, responsable du multi-accueil, raconte : « C’était à nous de choisir sur quel type projet est-ce qu’on avait envie de se lancer : accueillir des danseurs, des plasticiens, un projet sur la lecture… De la culture, de manière générale ! Nous avons choisi la danse parce que nous ne l’avions encore jamais expérimenté avec les tout-petits ! La Drac nous a proposé trois compagnies. Nous avons choisi la Compagnie Jaïs qui était la plus proche géographiquement et annonçait une certaine expérience avec les tout-petits, cela nous a rassurées », admet-elle volontiers. Ensuite, la compagnie nous a fait des propositions, pour mettre en place des temps auprès des enfants, des formations pour l’équipe, des ateliers enfants-parents et des temps forts.  

Des moments de partage avec les enfants 
Avec Sylvia et Margaux, la chorégraphe et la danseuse de la Compagnie Jaïs, tout s’est fait très naturellement. Tout au long de l’année, les artistes sont venues passer du temps à la crèche, une à deux fois par semaine, mais toujours trois jours d’affilée. « Elles prenaient leur temps, c’est ça qui était intéressant, raconte Vanessa. Le matin, elles intervenaient souvent chez les moyens. Puis basculaient chez les grands. On a essayé un temps en musique avec les bébés pendant qu’ils mangeaient, mais on ne l’a pas maintenu très longtemps car finalement les enfants étaient plus intéressés par l’animation que le contenu de leur assiette… Mais c’était agréable d’essayer ! Ensuite, elles retournaient à la sieste pour endormir les grands avec des effets de lumière, dans les chambres. L’après-midi, pendant la sieste, elles pouvaient prendre un petit temps de formation avec quelques professionnelles ou bien allaient au centre social pour créer. »  
    
Une belle relation tissée avec petits et grands 
En arrivant à la crèche, les artistes mettaient de la musique et se mettaient à danser très librement, partout, avec les tables, les chaises ou au sol. « On ne savait pas trop comment allaient réagir les enfants », se souvient Vanessa, mais très vite, les enfants sont entrés en interaction avec les danseuses, sans crainte. Certains enfants qui parfois avaient un comportement difficile avec les pros, des enfants génération « Covid » souvent en tension, changeaient du tout au tout lorsque les danseuses arrivaient. « Ils allaient vers elles, se mettaient à danser. Ça nous a permis d’avoir un regard différent sur de nombreux enfants », reconnait Vanessa. Elle raconte qu’avec les bébés, il y avait de beaux échanges de gestes et de regards. « Les danseuses se mettaient au sol avec eux, individuellement. Elles observaient les regards ; et dès qu’un bébé les appelait du regard, elles le rejoignaient au sol ou bien en le prenant dans les bras, en dansant avec lui », décrit Vanessa. 

Parfois les danseuses revenaient le soir, partager un temps avec les parents lorsqu’ils venaient chercher les enfants. Au fil de l’année, trois ateliers gratuits d’initiation à la danse leur ont également été proposés sur inscription, en dehors du temps de la crèche, au centre social voisin. 

Offrir du temps pour soi aux professionnelles 
Cette résidence d’artistes a aussi été imaginée pour offrir un temps de qualité aux professionnelles de la petite enfance, sur leurs temps de pause et en soirée. Des séances de sophrologie et relaxation avec la chorégraphe Sylvia Delsuc (également formée en sophrologie et diplômée d’art-thérapie) ; des temps de théorie sur la danse, quoi faire de son corps ; apprendre à se laisser aller aux mouvements que l’on a envie de faire ; expliquer les différents temps de la danse jusqu’à comment mettre en place un atelier de danse avec les tout-petits et quelles précautions prendre. « On a beaucoup ri ensemble à se mettre en scène, se souvient Vanessa. Ça nous a fait beaucoup de bien, après cette période de Covid très déceptive où nous avions dû abandonner beaucoup de projets ».  

Une belle harmonie entre l’équipe et les artistes  
Avec la Compagnie Jaïs, c’est toute l’équipe du multi accueil, soit 22 professionnelles, qui s’est investie avec enthousiasme sur ce projet, y compris les agents techniques qui n’exercent pas directement auprès des enfants. Toutes ont pu bénéficier de cette formation hors du commun d’autant que l’équipe de la Petite Maison Bleue s’est montrée particulièrement enthousiaste et réceptive. « On n’avait pas d’appréhension, donc on s’est lancées, témoigne Vanessa, tout le monde a très bien marché malgré la fatigue de la journée, on ressortait super contentes de nos formations en soirée. C’était du temps pour nous, avec des artistes très professionnelles : si l’on préférait rester en retrait, si l’on répondait autrement à la proposition faite, ce n’était pas grave. Et puis, admet-elle, j’ai une équipe qui est top ! Je pensais qu’il était normal de réagir aussi bien, comme on l’a fait. En fait, ce n’est pas le cas avec toutes les équipes : dans d’autres crèches ça n’a pas été accueilli de la même manière ! »

Des temps forts présentés aux parents 
Cette année passée avec la Compagnie Jaïs aura porté du fruit. Avec les danseuses, l’équipe a conçu tout un déroulé d’activité pour mettre en place des temps de danse avec les enfants, qui commence et finit toujours par la même chanson. Un outil qu’elle réutilisent très régulièrement. Elles ont également mis en scène des temps forts, dont un spectacle pour l’été, une restitution du projet à la Toussaint et un spectacle de Noël. « Ces artistes nous ont sorties de notre zone de confort, souligne Vanessa. Pour le spectacle de l’été, on a fixé du papier au sol et sur les murs, Margaux a dansé en musique avec de la peinture, ça a fasciné les enfants ! » Pour clore le projet, en novembre dernier, l’équipe du multi-accueil a dû faire des restitutions et montrer ce qui avait été fait. « Nous avons donc proposé une expo-photo à la crèche suivie d’une déambulation avec les familles en poussette jusqu’à la médiathèque de Brives avec un petit spectacle des professionnelles en extérieur, puis jusqu’au centre social pour une projection du spectacle de l’été ». Le spectacle de Noël s’est fait sans les danseuses, puisque le projet était clos, mais avec tout ce qu’elles leur avaient transmis au fil de l’année bien vite passée… 

Un projet de recherche autour du bien-être
Pour le volet recherche de ce projet, la crèche a accueilli à plusieurs reprises Norbert Maionchi-Pino, spécialiste en psychologie cognitive et sciences du langage, qui s’intéresse au bien-être dans les lieux d’accueil de la petite enfance. Un travail de recherche mené en partenariat avec le musée Mille-Formes de Clermont-Ferrand. Il eu l’occasion de venir former l’équipe sur le développement de l’enfant, et a également soumis un questionnaire aux familles dans le cadre de sa recherche. A suivre… 


  
Article rédigé par : Laurence Yème
Publié le 19 avril 2024
Mis à jour le 13 mai 2024