Le Grand Chalon propose un incubateur à Mam

S’il reste le premier mode d’accueil formel en France, l’accueil individuel est en perte de vitesse. D’un côté le nombre d’assistantes maternelles est en chute libre et de l’autre la majorité des parents lui préfèrent les crèches. Seules les Mam semblent tirer leur épingle du jeu. Un mode d’accueil auquel croit beaucoup la communauté d’agglomération du Grand Chalon (Saône-et-Loire). Et, pour le booster, elle a lancé, en mars 2023, un incubateur à Mam. Une belle initiative qui commence à porter ses fruits.
La Mam, une solution face au déclin du métier d’assistante maternelle
A la genèse de l’incubateur à Mam, plusieurs constats : « Nous nous sommes rendus compte qu’il y avait une baisse importante du nombre d’assistantes maternelles sur tout le territoire (ndlr : sur 10 ans, Le Grand Chalon note une diminution de 40% du nombre d’assistantes maternelles et observe un ralentissement du côté des nouveaux agréments), qu’elles ne veulent plus travailler seules à leur domicile et que les parents s’orientent plus vers le collectif », indique Fabienne Saint-Arroman, vice-présidente chargée de la petite enfance à la communauté d’agglomération du Grand Chalon. 
La Mam, un mode d’accueil hybride intéressant donc pour les assistantes maternelles qui « peut être une bouffée d’oxygène ». Mais aussi pour les familles, pour lesquelles « cela fait une combinaison assez gagnante », estime Violaine Commeau-Déplaude, directrice de la petite enfance du Grand Chalon, « elles ont à la fois une référence pour leur enfant, ce qui peut manquer en crèche, et un collectif ». « Et une autre chose, loin d’être anodine, c’est que le passage en Mam permet d’augmenter le nombre de places, notamment en milieu urbain avec des assistantes maternelles exerçant en appartement, qui ont leurs propres enfants, et pour lesquelles la Pmi va restreindre les agréments possibles. A partir du moment où elles exercent dans des locaux qui ont des m² qui conviennent, elles vont parfois pouvoir doubler leur agrément », ajoute-t-elle.
Bref, la direction de la petite enfance du Grand Chalon est convaincue de la pertinence de ce mode d’accueil. Et souhaite donc l’encourager en essayant de lever les freins existants. « (…) les services de Pmi nous disaient que les Mam de manière générale avaient tendance à fermer au bout d’un an car le travail en équipe pêche un peu. En discutant avec les assistantes maternelles qui avaient ouvert leur Mam, nous nous sommes rendus compte qu’elles étaient en difficultés sur la partie technique, le montage du projet. », souligne Laëtitia Sagot, coordinatrice petite enfance du Grand Chalon.

Incubateur à Mam : le PôPE précurseur
Un matin, Laëtitia Sagot arrive dans le bureau de sa responsable en lui annonçant qu'elle avait eu une idée : « Nous allons proposer à des assistantes maternelles d’essayer de venir travailler entre elles dans un lieu et, nous viendrons leur apporter toute la partie technique et administrative ». Et Violaine Commeau-Déplaude de lui répondre : « C’est chouette, cela s’appelle un incubateur ». Laëtitia Sagot fait quelques recherches sur internet et découvre qu’elle n’est pas la première à avoir eu cette idée puisque le PôPE (le Pôle Petite Enfance), une association de Seine-Saint-Denis, avait déjà développé un incubateur à Mam. « Leur modèle n’était pas tout à fait celui qu’on proposait, explique Laëtitia Sagot, nous avions vraiment l’axe accueil des assistantes maternelles avec leurs enfants dans un lieu, ce que eux n’avaient pas la possibilité de faire ». Mais des liens se créent, le Pôpe se charge en effet de former les animateurs de Rpe afin qu’ils puissent guider les assistantes maternelles dans leur montage de projet de Mam.

Expérimenter le travail en Mam dans une ancienne crèche de Chalon-sur-Saône
En pratique, les assistantes maternelles qui ont un projet de Mam peuvent le tester en conditions réelles, avec les enfants qu’elles accueillent, une semaine par mois pendant trois mois (à noter : les trois premières semaines sont obligatoires). « Tout est cousu main pour qu’elle se sentent le plus à l’aise possible », explique Laëtitia Sagot. Autrement dit : souplesse et flexibilité sont de mise. L’incubateur prend place dans une ancienne crèche située à Chalon-sur-Saône, mais aussi dans certains Rpe du territoire, car le Grand Chalon, c’est tout de même 51 communes. « On suit le déroulé du projet en lien avec les services de Pmi avec lesquels on travaille en partenariat. Nous, on va venir accompagner sur la création des statuts, sur la partie pédagogique, on va venir aider à la formation des assistantes maternelles sur la partie budget (penser investissement, fonctionnement…) et après, tous les documents sont renvoyés au fur et à mesure aux services de Pmi. Comme dans le cadre d’une VAE, on accompagne mais on ne viendra jamais mettre nos idées, nos valeurs pédagogiques à la place de celles des assistantes maternelles », détaille Laëtitia Sagot. Elle poursuit : « Les locaux permettent d’accueillir jusqu’à 4 assistantes maternelles. Chaque projet est accompagné de manière individuelle » par un animateur de Rpe, sans oublier le partenariat avec Asso71 et l’association BGE pour l’aide à la création d’entreprise.
Bien entendu, les assistantes maternelles doivent obtenir l’accord des familles. Une réunion est d’ailleurs organisée en amont par la direction de la petite enfance avec les assistantes maternelles pour « les accompagner sur le discours auprès des parents employeurs ». Puis, elles proposent aux parents une visite des locaux de la crèche.

L’incubateur à Mam aussi pour les porteurs de projet 
L’incubateur à Mam ne concerne pas seulement les assistantes maternelles en exercice. Il s’adresse aussi aux porteurs de projet. Selon Laëtitia Sagot, mener de front les démarches pour l’agrément et celles pour la création d’une Mam n’est pas évident. « C’est un peu le parcours du combattant pour eux », estime-t-elle. Et explique qu’ils n’auront pas, au commencement, la capacité maximale d’agrément et que de fait, financièrement, cela a un impact pour eux, notamment concernant le loyer du local. « Nous pouvons les accompagner sur d’éventuelles négociations pour obtenir dans les premiers temps un loyer modéré, avant de payer un loyer plus important quand l’agrément complet sera obtenu », mentionne Laëtitia Sagot.  « Aussi, ajoute-t-elle, ce qu’on essaie de faire pour les porteurs de projet, c’est de leur proposer de faire du lien avec les services de Pmi et de demander un agrément pour travailler à domicile d’abord même si leur souhait est d’exercer en Mam » avant de se lancer dans l’aventure de la Mam.

Une pluralité de financement
La direction de la petite enfance a bénéficié de subventions pour déployer l’expérimentation. « La Caf a financé la formation réalisée par le PôPE 93 ainsi que l’aménagement de l’incubateur », indique Violaine Commeau-Déplaude. Les assistantes maternelles paient pour leur part une redevance d’occupation d’environ 8,50 euros par jour qui « a été calculée sur la base des indemnités d’entretien perçues », informe Laëtitia Sagot. Et « l’accompagnement réalisé rentre dans le temps de travail des animateurs de Rpe puisque cela concourt à leurs missions. Du coup, ce projet est développé à budget constant », souligne la directrice de la petite enfance du Grand Chalon. Et précise : « Le département et le BGE interviennent gratuitement ».

Déjà une première Mam ouverte
L’incubateur a ouvert ses portes depuis un peu plus d’un an. Le premier groupe, constitué de deux assistantes maternelles, a créé sa Mam en novembre dernier. Un projet qui a pris vie en quelques mois seulement car le local a été rapidement trouvé via le CCAS de Chalon, qui avait signalé la présence d’un logement libre dans une résidence sénior. Sur 2024 et 2025, ce sont 5-6 groupes qui vont profiter de l’incubateur. « Bien évidemment, nous souhaitons accompagner des assistantes maternelles qui iront jusqu’au bout, jusqu’à l’ouverture de leur Mam, confie Laëtitia Sagot. Mais c’est aussi valorisant de se dire certaines assistantes maternelles n’ouvriront pas  de Mam parce qu’elles se sont rendus compte qu’elles n’avaient pas la capacité de travailler ensemble. » Pour l’heure, les premiers retours sont très positifs. « Le premier groupe a trouvé très facilitateur le fait d’avoir quelqu’un avec qui discuter du projet sans être jugé. (…) Le travail a vraiment été apprécié parce que petit à petit on voit ce qui va, ce qui ne va pas. Dès les premières semaines d’ouverture de leur Mam, tout coulait de source, comme si elles avaient toujours travaillé ensemble », ajoute-t-elle.

Les autres initiatives du Grand Chalon en faveur de l’accueil individuel

  • Développement d’un plan de formation en lien avec celui des professionnels de crèche + permettre aux assistantes maternelles de partir en formation en semaine. 1er temps : en parler aux parents lors de leur venue au Rpe. 2e temps : « proposer aux assistantes maternelles de s’entraider et/ou d’avoir du soutien dans les EAJE pour permettre un accueil des enfants des assistantes maternelles qui partent en formation », précise Laëtitia Sagot. 
  • Mise en place de portes ouvertes sur le métier d’assistante maternelle avec la Caf, la Pmi, Pôle Emploi… 
  • Des projets photos pour valoriser le métier. 
  • Participation du Rpe au salon de l’emploi deux fois par an pour promouvoir l’exercice à domicile ou en Mam.
  • Tous les 2 ans, les Rpe organisent une journée professionnelle à l’attention des assistantes maternelles du territoire.
  • Réflexion sur la possibilité d’étendre la démarche qualité participative à l’accueil individuel.

Article rédigé par : Caroline Feufeu
Publié le 22 avril 2024
Mis à jour le 02 mai 2024